Dans un autre style et qui laisse à reflechir voici une nouvelle d'une amie à moi , actuellement en 3eme année de fac de psycho. Elle m'en a fait part et je la trouve magnifique. Elle s'intitule : " L'égarée " de Marie H. , bonne lecture.~.~
“ -Tiens maman, regarde ce que j’ai trouvé… ”
C’était pendant une nuit orageuse et durant laquelle, tourmentée par les lourds aveux de la veille, je n’ai pu fermer l’œil. L’endroit qui s’était offert à nous était d’un confort sommaire : la décision du départ et le lieu d’arrivé s’étant improvisés au grés des trains en gare desquels nous transitions. Nous n’avions avec nous qu’un ridicule baluchon, fait de hâte, de colère, de révolte et de passion, ne contenant aucun superflu, et manquant presque de l’essentiel.
Lors de cette nuit, je devinais sa présence à mes côtés. Elle était là, une respiration profonde, le front blême, totalement détendue, chacun de ses muscles décontractés. Aucune sorte d’expression n’animant son visage, sinon celle d’un abandon au repos complet. Dans l’obscurité de cette chambre d’hôtel, je la connaissais par cœur, et n’avais nul besoin de me retourner pour la savoir allongée, la chaleur de sa peau nue contre la mienne, ses cheveux noirs bouclés mêlés aux miens. Et dans son paisible sommeil, je regrettais de ne pouvoir profiter de son regard couleur azur. Pourtant si frêle, et d’une beauté maladive, je la savais forte et elle m’apparaissait inébranlable comme ces colosses de marbre grecs. On aurait dit qu’elle n’avait jamais pleuré.
Elle et son éternel « A quoi tu penses ma chérie ? », riait à dire de moi que j’étais une fragile muse de porcelaine. J’incarnais la sensibilité, tandis qu’elle se complaisait dans la robustesse de caractère. …Pourtant si différentes et si complémentaires, ils ne voulaient voir en nous que cette intolérable ressemblance… Nous avions donc cru les fuire, et dans cette sordide chambre nocturne, j’étais si prés d’elle, que j’étais sure de n’avoir plus jamais froid prés de ces autres !
Paumes contre paumes, tel un pieu baiser, sa main n’avait lâché la mienne depuis le départ, comme pour nous rassurer, nous dire qu’à deux nous serions plus fortes. Mais peut être aussi pour nous murmurer tout bas le courage et la patiente nécessaire à la quête de cette tolérante terre d’exil. Pourtant, toujours cette douloureuse déchirure : sentir glisser sa main, perdre ce lien fuyant à la croisée d’un regard un peu plus insistant qu’un autre.
Et voilà, cette fois encore, le rêve se brise en milles éclats. Comme trop habituées à cette situation, sans grande surprise, nos mains glissent, mais ce soir là, ce sera la dernière fois… Elle est emportée par un profond gouffre, duquel je tente de la retenir de toutes mes forces. Cette fois c’est à moi de la rassurer, je lui dis qu’elle ne peut pas me laisser seule chercher l’exil, que la route du bonheur est certes longue, mais que j’ai besoin d’elle a mes côtés pour continuer. Je lui crie de tenir bon, qu’on ne va pas tarder à venir m’aider à la sortir de là. Les larmes coulant sur mes joues, la crainte de la perdre animant mon désespoir, je lançais à tout vent des « A l’aide ! » qui hélas, allèrent se perdre dans la foule de la rue, sans trouver aucun échos. Les regards détournés, le pas pressant, les autres semblent hâtés d’aller rejoindre leur petite vie bien ordonnée, tandis que « toi et moi », nous nous accrochions à notre petit bout de rêve pour ne pas étouffer.
Je sais maintenant que je n’aurai plus assez de forces pour la retenir longtemps encore, c’est presque comme si je l’accompagnais devant les portes du paradis et que je lui disais : « Pars devant, et n’aies pas peur, je te rejoindrais ! ». Nos regards ne se quittent plus à présent, nous savons que ce seront les derniers, pleins de regrets. Il auront fini par avoir ce qu’ils voulaient, ils ont saccagé notre illégitime amour. Et avec un extraordinaire sang froid, elle m’a demandé de la lâcher, préférant mourir par le suicide plutôt que tuée par leur stupide égoïsme…et elle a glissé, se laissant entraînée vers le profond d’une cruelle injustice … Mortellement bercée de mes cris déchirants …
Un soudain sursaut réanime mon regard qui s’était perdu dans le glaçant vide de mes souvenirs. Les yeux écarquillés, je reste là raide de terreur, tremblante de ces anciennes cicatrices. Autour de moi, il ne reste plus que les murs jaunis et le parquet grinçant de ce qui fut autrefois notre chambre d’hôtel. Le refuge de l’exil avait les couleurs fades de la meurtrière intolérance. Tout semblait si irréel et pourtant, je tenais là, dans le creux de ma main, le pendentif gage de cet amour qui l’avait accompagné dans sa chute, et que je croyais perdu à jamais.
Elle ne venait plus, depuis trop longtemps déjà, que marcher dans mes rêves. Et en l’imaginant vivre encore auprès de moi, le temps n’aurait en rien altéré sa beauté, je l’aurais vu vieillir, le poids des années la rendant plus resplendissante que jamais… Mais le lieu de vie parfait où « tolérance, respect et amour » étaient devise, existait il vraiment ?
Ce jour là, les réponses que j’étais venue chercher dans cette bâtisse étaient sous mes yeux. Cette petite fille brune qui m’accompagnait c’était le plus beau cadeau que la vie ait pu me faire.
“ - Maman, à quoi tu penses ? ”
Et dans ses grands yeux bleus, et la façon dont elle m’a pris la main, j’ai pu lire dans son regard, toutes ces choses que j’ai un jour lu dans le regard d’une petite princesse. Sa joie de vivre, ses adorables fossettes quand elle me sourie, j’y lis à livre ouvert ce même message de force, de respect et d’amour. « Pourtant elle n’a aucun lien de parenté avec elle » dis-t-on si froidement, mais la ressemblance est presque incroyable. C’est comme si elle continuait à vivre à travers cette enfant.
“ - Je t’aime ma chérie… ”
Aujourd’hui en plus de son prénom, ma petite fille porte à son cou la petite elfe de celle qui l’aurait aimé comme une deuxième mère. Mon exil est fini, notre combat nous l’avons gagné, je sais à présent que j’ai trouvé le lieu idéal, il est ici ou ailleurs, peu importe du moment que c’est avec elle.
"L'égarée",Marie
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